La vie du dehors, au jour le jour, quand ça prend, regarder par la fenêtre, se laisser distraire, irriter, émouvoir, partir en rêveries ou s’affaler en réel.
C’est le début, presque le premier jour. Le jour du ravalement dans la cour de l’immeuble. Le métal se heurte au bout des bras de poulies, les appels résonnent aux quatre coins des murs, brefs avertissements, à toi, là-haut, ça descend, ça monte, gaffe, stupeur et sifflements, marteaux et métal frappés, parfois même un chant. La vie en permanence, la vie sonore et inconnue d’un chantier sur cour.
Je sais qu’il y en a pour plusieurs mois.
Je sais que le dehors prendra pension sept heures par jour dans la chambre.
Je sais qu’avec la pénombre, je suis à l’abri, des regards et curiosités.
Je sens la possibilité de la paralysie au-dedans.
En tournant cette minute d’images, j’ai Là-bas en tête, le film de Chantal Akerman.
Je résiste à la réclusion.
Je filme le dehors à travers le rideau, je filme ma peur dissimulée, je filme mon être tapi dans l’ombre.
Au fur et à mesure du temps enregistré, je sens le coeur battre apaisé, et le dehors curiosité.
Plus tard dans la journée, par la fenêtre ouverte de la petite cuisine, j’irai rencontrer les visages des hommes sur l’échafaudage.
Les saluer d’un mot, d’autres jours d’un signe.
Les écouter chanter dans des langues inconnues.
Vivre ma vie avec la leur, le temps des travaux sur cour.
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©anne-lise maurice, m.o.m.i., mai-juin 2018, mise à jour le 26 juillet 2018