Animal(e) #2

Sur le principe d’une minute lumière, croiser l’animal, le regard avec l’animal, les animaux, l’animalité.  Filmer la rencontre ou son absence.

 

C’est un jour de mai, un jour de mai retour sur les chemins de la source.
C’est l’étang de l’enfance, l’étang de la Salle, non loin du village.
En voiture je traverse la campagne que je parcourais en vélo enfant.
Je me gare le long de la plage, vague souvenir de sable clair et seau plastique.
Juste avant l’interdiction.

Un cas de polio, y’a eu un cas de polio.
Paroles de mère ou de père, glanées ici ou là, l’eau est contaminée, l’eau est contaminante.
Il y a eu un enfant.
Jamais vu l’enfant, à la jambe courte ou courbe, des fois j’ai demandé, jamais eu de réponses.
Jamais plus de baignades dans l’étang l’été, le regarder de loin en passant à vélo,
avec envie ou colère, selon l’état de peau brûlée par la chaleur des régions centrales.

Aujourd’hui en bordure, sous les peupliers et autres saules en pleurs, les pêcheurs posent leurs lignes.
Ils attendent la submersion du bouchon malgré l’interdit.
Derrière eux, des vitres de la voiture ouvertes, l’autoradio distille les tubes du moment.
Le silence ne suffit pas.

J’arrête la voiture au niveau de ce qui fut la plage.
Des herbes hautes, une table de pique-nique permanente en bois, deux poubelles pleines.
Plus loin, une jetée rouillée dont je n’ai aucun souvenir, je m’avance vers elle.
Des herbes hautes sort un troupeau de canards effrayés qui me fuit comme la peste.
Ma présence les contamine, ils s’échappent sur la jetée, cancanent plus fort à chacun de mes mouvements.
Je m’immobilise et sort le téléphone photographique, pour remettre à jour le souvenir de la plage.

 

 

durée de visionnage : 1 minute 33 secondes

 

@anne-lise maurice, m.o.m.i., mai-juin 2018, mise à jour 30 juillet 2018