Le Slam de Paulette est une création du chorégraphe Philippe Lafeuille, présentée le 16 janvier 2010 à L’apostrophe-Scène Nationale de Cergy-Pontoise dans le cadre du dispositif Intégration Républicaine par la culture. Elle réunit des habitants de l’agglomération de Cergy-Pontoise, de 11 ans à 80 ans autour de la thématique de la ville rêvée.
En 2009, le projet Poliville donne lieu à la réalisation de plusieurs “cartes de visites” en théâtre, danse et vidéo. A cette occasion je dirige quelques ateliers vidéos avec des structures sociales de Vauréal et Cergy. C’est à Vauréal que je rencontre Paulette, qui participera à des portraits filmés de la ville par les habitants.
Par la suite, c’est le chorégraphe Philippe Lafeuille qui donnera corps et forme à ces propositions disparates, en amenant les habitants et habitantes de tous âges à réfléchir sur leur environnement urbain et à imaginer leur ville rêvée, idéale. A partir de leur propre parole, leur réalité, leurs envies mais aussi leurs propositions Philippe Lafeuille élabore un spectacle pluridisciplinaire où la danse rencontre le théâtre, le chant, le slam, la vidéo et la poésie. Avec toutes ces pratiques artistiques mises a leur disposition, les participants ont pu aborder de nouveaux moyens d’expression afin de découvrir leur propre voix et écouter celle des autres.
Pendant quelques mois, je vais suivre le travail de Philippe Lafeuille dans le territoire, les premières rencontres, les entretiens, les joies, les difficultés pour mobiliser les participants. Finalement les répétitions, faire se rencontrer des inconnus, les faire chercher, travailler ensemble. Expérimenter des arts que pour la plupart ils ne connaissent pas, leur donner un espace de parole et d’expression. Avec bien sûr, des moments de troubles, de malentendus sur le long et difficile chemin de la confiance.
De cette aventure de plusieurs mois, j’aurais peut-être aimé donner à voir plus d’enjeux dans ce film, notamment sur la question de l’action culturelle, pour quoi? pour qui? à quelles fins? On peut sentir par moment dans le film, les tensions, les incompréhensions qui dépassent le processus de création. Les frottements entre l’exigence artistique et l’apprentissage de la responsabilité, les peurs et les défiances, l’impression permanente d’avancer sur un fil tendu au milieu d’un gouffre. Au final, le spectacle aura lieu, avec Paulette, le slam et les adolescents.
Et après?
Je me souviens du soir de la représentation, la salle comble au Théâtre des Louvrais de Cergy, toutes les générations représentées dans le public, des gens qui pour la plupart n’étaient jamais venus au théâtre. Un moment magnifique, une vrai réussite artistique et culturelle. Combien de ces gens sont revenus plus tard, je l’ignore. Et tous ces jeunes gens que nous avons suivi pendant quelques mois, je ne sais ce qu’ils sont devenus. Est-ce important de le savoir? D’imaginer une quelconque utilité à ce type de projet?
Je sais que Le Slam de Paulette est une étape importante dans ma pratique, une étape fondamentale de doute et de remise en question. Là j’ai appris qu’en tant qu’artiste je pouvais peu, je pouvais chercher, réfléchir avec l’autre dans des ateliers, transmettre un peu de ma pratique, me confronter, échanger les différences, apprendre avec, parfois comprendre, saisir, offrir. Éveiller le regard et la curiosité. Éveiller mon regard et ma curiosité.
©anne-lise maurice, m.o.m.i., brouillon 2010-11, mise à jour le 29 janvier 2018